Couleurs


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L'univers du Moyen Age est un univers sans couleur. Les teintures sont rares, les vêtements du peuple bruns ou ocres, les intérieurs peu éclairés. La couleur, parce qu'elle émerveille, se trouve alors dans les castes élevées de la société, et dans l'Art. Les artistes utilisent les couleurs franches, choisies pour leur éclat et aussi pour leur valeur marchande, car la peinture, offerte à Dieu, doit être luxueuse. L'or, posé à la feuille dans le fond des scènes , sur les auréoles et sur divers accessoires, le bleu - le lapis-lazuli surtout - et le rouge sont le plus prisés. La troisième couleur " primaire ", le jaune, n'est pas populaire, car trop proche de l'or pour s'en distinguer. Enfin la valeur symbolique que l'opinion médiévale accorde aux couleurs influe aussi sur leur utilisation : le rouge, associé à la pourpre impériale, est la couleur de la gloire, mais aussi celle du sang versé, donc du sacrifice ; le bleu évoque le ciel pur, c'est le coloris de la Vierge. Les couleurs composites ont moins bonne réputation, pour des raisons morales : le mélange, la dualité, renvoie au péché, à l'impureté.

Au XVe siècle, avec l'avènement de la Renaissance, l'importance des couleurs subit un renversement radical. La volonté de rivaliser avec les œuvres d'art antiques - des statues et des reliefs que le temps à privé de leur revêtement coloré - amène les artistes à abandonner les teintes vives. L'or est déconsidéré et disparaît progressivement des peintures, tout comme l'habitude d'utiliser des couleurs coûteuses. La palette se diversifie, mais reste claire, et le peintre utilise majoritairement des monochrome.

Au XVIe siècle, des teintes saturées apparaissent et la palette devient de plus en plus large, englobant diverses nuances de jaune, vert, violet, rose…En jouant avec les couleurs et leur intensité les peintres arrivent aussi à représenter le jeu des lumières, grâce à des variations de tons qui affectent la couleur selon qu'on lui ajoute du blanc ou du noir : ce sont les prémices du clair-obscur. Le sujet du tableau reste néanmoins éclairé par une lumière diurne uniforme.

Vers 1600 le ténébrisme de Caravage s'oppose à la domination des couleurs claires et propose une palette sombre. Il affectionne aussi la technique du clair-obscur, permettant ainsi de créer de la profondeur dans la toile grâce aux contrastes des lumières et de couleurs à l'intérieur de la dominante sombre. Pour rompre la dominante brune des fonds, les peintres utilisent des couleurs vives, et en particulier du rouge et du jaune, en évitant des coloris complexes de la fin du siècle. Le ténébrisme, rompu par des éclats de lumière et de couleur, inaugure l'âge baroque qui cherche des effets théâtraux propres à frapper les sens. C'est le cas des teintes employées par Vélasquez dans ses Las Meninas, dont le réalisme frappe, faisant quasiment entrer le spectateur dans la scène.

La peinture classique, du XVIIe jusqu'au début du XIX e, restera fidèle à la gamme des couleurs claires, nuancée seulement par des ombres modérées. Les teintes sombres utilisées pour l'arrière-plan servent uniquement à mettre en valeur le premier plan et les motifs sont coloriés plutôt que peints dans la couleur, le coloris ayant une fonction informative et non esthétique.

…A PICASSO

La couleur change de rôle à partir du XIX° siècle pour tendre vers une fonction moins réaliste et plus décorative.

C'est en 1837 que Geoffroy Engelmann met au point le système de "chromolithographie " : procédé d'impression qui permettra désormais d'imprimer en couleur de grandes surfaces, par le biais d'un dessin à même la pierre, introduisant dans le milieu de l'image les immenses aplats de couleur pure inconnus dans les traditions picturales européennes. De cette invention va naître un nouveau média : l'affiche. Celle-ci, par sa fonction publicitaire va s'efforcer d'attirer l'oeil par une " explosion " de couleurs vives sans précédent. Cette nouvelle technologie, omniprésente dans la vie quotidienne, s'affranchit en outre des règles classiques, et va influencer plus tard les peintres dans leur usage de la couleur.

Un peu plus tard, dans les années 1860, les grands avant-gardistes impressionnistes comme Monet, Manet ou Van Gogh découvrent au travers des estampes japonaises les aplats de couleur pure. Leur choix colorés viseront désormais moins à rendre compte de la "réalité", qu'à la "traduire" selon la sensibilité de l'artiste. "Je peins ce que je vois, et non ce qu'il plaît aux autres de voir" dit un jour le jeune Manet durant ses études à l'atelier Couture. Cette découverte est le premier pas vers une subjectivité de la peinture européenne, mais vers un changement tout aussi important: l'abandon du clair-obscur. Les artistes se mettent en effet peu à peu à privilégier des teintes lumineuses et fraîches aux couleurs brunes et ternes des classiques, délaissant petit à petit les ombres et la profondeur qu'elles suggèrent à I'oeil.

Mais si les peintres se sentent en ce début de siècle attirés par un nouvel emploi de la couleur, c'est aussi qu'ils ont changé de méthodes de travail, Ils ont en effet quitté leurs ateliers pour peindre en plein air à n'importe quelle heure - et donc dans des lumières toujours différentes - et ce grâce à un élément nouveau et facilement transportable : la peinture en tube. Le peintre ne dépend désormais plus des pigments et du temps de préparation de que ceux-ci demandent.

Outre une nouvelle luminosité, interprétée de façon subjective par l'artiste, la couleur devient vite le centre de préoccupations de certains peintres comme Gauguin qui en dit:"La couleur étant elle-même énigmatique dans les sensations qu 'elle nous donne, on ne peut logiquement ne l'employer qu'énigmatiquement, pour donner les sensations musicales qui découlent d'elle-même, de sa propre nature, de sa force intérieure, mystérieuse, énigmatique. Au moyen d'harmonie savante, on crée le symbole." La couleur n'est donc plus un moyen de reproduire la réalité, mais un élément à part entière visant, en tant que symbole, à faire passer les sentiments de l'artiste.

Ce dernier élément est le fondement du mouvement fauve qui n'utilise plus les couleurs que pour exprimer des émotions fortes, renonçant pour cela à l'application de touches de couleurs séparées, pour préférer un traitement par taches larges ou par aplats de couleurs saturées.

Cette nouvelle conception de l'emploi de la couleur sera ensuite adoptée par tous les mouvements artistiques du XXe siècle.



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