Perspective


Le mot " perspective " dérive du latin perspicere, " voir au travers ". Il définit un procédé pictural qui donne la possibilité de représenter le monde tel qu'il se donne à voir à l'oeil humain, en créant l'illusion de la profondeur sur une surface plane. Il serait d'ailleurs plus juste de parler des perspectives, et non d'une seule perspective, car  même si pendant longtemps l'art n'est pas basé sur le désir de figurer ce que nous voyons, plusieurs méthodes sont employées avec succès pour donner au spectateur l'illusion de réalité tridimensionnelle.

Les Egyptiens ne montrent que très peu d'intérêt pour la représentation réaliste de l'espace et de la profondeur : leur art emploi un langage strict, conventionnel, de symboles religieux ou sociaux. Les Grecs, au contraire, remettent en cause leur langage primitif et traditionnel, avec des figurations de ce qu'ils voient réellement. C'est sur les vases grecques qu'apparaît une première forme de perspective, fondée sur l'observation plutôt que sur des règles mathématiques, la perspective parallèle, où les objets sont représentés simultanément parallèles les uns par rapport aux autres , créant ainsi l'illusion de se prolonger vers le fond de l'image. Les Romains, eux, conçoivent les paysages naturalistes et élaborent des architectures en perspective, basée sur les principes de l'optique. Ces pratiques seront rejetées par les byzantins au profit d'un code rigide de conventions et de symboles religieux ;  l'art de Byzance développe néanmoins deux sortes de perspectives non réalistes : la perspective renversée, où la taille des figures et objets changent proportionnellement à  leur éloignement du spectateur, et la perspective rayonnante, où ils se placent dans tous les sens à partir d'un point central.  Au XIIIe et XIVe siècles, les choses changent : avec le retour de l'intérêt pour l'art de l'ancienne Rome, renaît  le besoin  de créer l'illusion de la réalité. Le XVe s couronne de succès les recherches entreprises par les artistes, avec la mise au point des lois de la perspective linéaire centrale, qui constituera le point de départ de la plus grande révolution esthétique dans l'art occidental. Cette invention peut être attribué aux florentins Léon Battista Alberti, architecte, artiste et amateur d'art antiques et homme de lettres, et Filippo Brunelleschi, architecte et sculpteur. Si Brunelleschi est le premier à démontrer les principes de la perspective linéaire grâce à  une série d'expériences poursuivies pendant plusieurs années,  la véritable explication scientifique du phénomène sera réalisée par  Alberti  dans son " Traité Della Pictura " (1435).

 
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                              Masolino, Fresque de la chapelle Brancacci, 1425
Il y explique que selon le point de vue l'oeil constitue le point de vue à partir duquel se construit une pyramide visuelle. Sa méthode de géométrie plane, très simple, permet aux artistes de dessiner un espace géométriquement régulier sur une surface à deux dimensions. Pour donner l'illusion de la profondeur, l'artiste fait converger les principales lignes visuelles (ou orthogonales) vers un point de fuite situé sur la ligne d'horizon, virtuelle, qui se situe exactement au niveau des yeux de l'observateur. L'objet diminue au fur et à mesure de son éloignement par rapport à l'oeil.
Les premiers à prendre conscience l'importance des expériences de Brunellesci  et  de à mettre en pratique ses théories dans le domaine de la peintures  sont les peintres florentins Masaccio  et Paolo Uccello qui sont . La fresque La Trinité de Masaccio, dans l'église Santa Maria Novella à Florence est l'une des premières peintures à exploiter la perspective centrale avec rigueur.
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Dans cette période d'effervescence intellectuelle et artistique d'autres solutions au problème de représentation de l'espace ont vue jour. En France le peintre Jean Fouquet propose et pratique une perspective curviligne fondée sur l'emploi d'espaces courbes : les objets et les lignes y sont interprétés comme s'ils étaient perçus dans un miroir concave. Le génie de la Renaissance, Léonard de Vinci explore chaque facette du problème, développant une théorie de la perspective fondée des proportions mises en parallèle avec des intervalles musicaux. Il étudie la perspective naturelle, la façon dont l'œil perçoit l'espace et la distance et conceptualise la vision en grand angle. Il développe le également le système perspectif de Jean Fouquet, basé su le fait que le champ de vision est incurvé. Sur les traces des peintres flamands, dont Jan van Eyck, recherchant les effets de profondeur et de perspectives suggérés par les jeux d'ombre et de lumière, étudie la perspective aérienne, ou atmosphérique,  basée justement sur l'effet optique causé par la lumière absorbée et réfléchie par " l'atmpsphère " et met au point un procédé unique dont il use à merveille : le sfumato. Les effets de la perspective aérienne seront mis en valeur avec le " réinvention " de la peinture à l'huile et l'arrivée d'un autre procédé de traitement d'espace par le jeu de lumière et d'ombre, le clair-obscur.
L'enthousiasme de la Renaissance pour la perspective engendre d'autres recherches encore, dont celle d'Andréa Mantegna qui est le premier à exploiter le pouvoir de la perspective sur le spectateur, en le faisant passer de l'état de témoin à celui de participant directs.

La force de persuasion de la théorie de la Renaissance est telle que les siècles durant on va croire que la construction en perspective centrale correspond exactement à la vision réelle.  Ni le XVIIe ni  le XVIIIe n'apporteront de solutions nouvelles en ce domaine, perfectionnant plutôt les effets obtenus et s'intéressant énormément  à l'effet de l'illusion et à la perspective illusionniste, dont l'italien Andréa Pozzo, auteur de la coupole de Saint Ignace à Rome, est maître incontesté.

Le système mis au point par les peintres de la Renaissance ne sera pas vraiment remis en question avant la fin du XIXe siècle. L'apparition de la photographie qui prend en charge de représenter et imiter la réalité, la confrontation, au milieu du XIXe, de la culture occidentale avec celle de l'extrême orient à travers l'art japonais, les recherches impressionnistes et post-impressionnistes qui s'attaquent à la couleur  et à la lumière font que les artistes commencent à rechercher systématiquement des solutions spatiales différentes, plus adaptées aussi à la peinture du monde contemporain. Paul Cézanne, à la fin du XIXe siècle, libère la peinture des contraintes de l'imitation et l'élève au rang d'instrument d'analyse des formes naturelles envisagées sous l'aspect de solides géométriques. Et c'est le cubisme qui rompra radicalement avec les structures de l'espace perspectif : il remplace la perspective linéaire par une perspective mobile qui décompose l'espace en plans géométriques animés et permet de représente l'objet simultanément sous des angles multiples, Dorénavant la perspective n'est qu'une convention pictural parmi les autres.


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